La boulangerie doit proposer une nouvelle offre de pains de très longue conservation

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Depuis plus d’un demi-siècle, la consommation de pain ne cesse de diminuer et aucune solution n’a semble-t-il été trouvée pour enrayer ce déclin. Certains sociologues, à l’instar de Steven Kaplan ou d’autres observateurs continuent de penser que la baguette est la présentation du pain la plus aboutie, et leurs exhortations en faveur du pain sont autant de coups d’épée dans l’eau. Comme beaucoup d’entre vous, je me suis posé la question de la chute de la consommation de pain, mais j’ai la chance de pouvoir le faire avec un nouveau regard de nutritionniste. Plutôt que de me lamenter de la situation, j’ai proposé des solutions nouvelles pour améliorer sa valeur nutritionnelle. Après mure réflexion concernant la sortie de l’impasse actuelle, je vais vous soumettre une solution nouvelle qui ne manquera pas de vous interpeller.

Mon analyse de la situation actuelle

La France est par excellence le Pays du pain, les français sont très attachés à leur baguette, la messe est dite, il n’y aurait rien à changer. Oui mais, alors qu’ils affirment cet attachement, les consommateurs espacent souvent leurs actes d’achat quotidien, au point parfois de se priver entièrement de pain et une fois cette habitude prise, le pain n’est plus perçu comme essentiel, son déclin devient irréversible, un cercle vicieux est amorcé.

Pourquoi une telle réalité

Combien de fois le pain acheté est trop vite rassis pour être mangé le lendemain, ce qui n’encourage guère à en faire une réserve significative. Croyez-vous que les français feraient aussi facilement des provisions de pâtes, de riz ou de couscous s’ils risquaient d’en perdre 20 à 30 % dans la semaine suivant ces achats, en réalité ils se priveraient souvent de pâtes si le quart du paquet risquait d’être perdu en quelques jours. Si le pain des artisans boulangers se conservait une semaine, la plupart des consommateurs n’hésiteraient pas à en faire une provision suffisante, comme ils le font pour tant d’autres aliments. Pourtant à ma connaissance, cette opportunité de proposer un pain de longue conservation n’est jamais évoquée par la filière blé pain, qui a toujours tablé sur la quotidienneté des achats de baguettes. Dans mon esprit il ne s’agit pas de mettre en valeur des succédanés de pains industriels sous emballages, mais bien des vrais pains produits dans vos fournils, susceptibles de se conserver près d’une semaine. Mais est-ce possible, oui je l’ai déjà en partie expérimenté, mais il vous reviendra de le concrétiser. Voici les explications.

Tout d’abord pourquoi le pain conventionnel rassit si facilement ?

Pour faire bref, c’est la faute du blé et du pétrissage. L’amande farineuse avec laquelle est faite une farine de type 65 est un assemblage de grains d’amidon environnés principalement par les protéines du gluten. L’objet du pétrissage est de transformer le réseau de gluten en un film viscoélastique qui piège le CO2 pour la levée de la pâte. Dans cette opération, les grains d’amidon perdent leur environnement protéique naturel, ainsi fragilisés, ils sont très facilement déstructurés par la cuisson. La mâche du pain frais parait excellente, mais malheureusement cela ne dure guère, en effet les grains d’amidon retrouvent une nouvelle configuration qui les rend rigides, et provoque ce fâcheux rassissement du pain. C’est une spécificité forte du grain de blé tendre, beaucoup moins accentuée avec d’autres types d’amidon. Peut-être aurait-il fallu sélectionner les blés sur leur capacité à donner des pains qui se conservent. Visiblement cela a échappé à la diligence de la filière et des sélectionneurs.

La deuxième cause beaucoup plus maîtrisable du rassissement accéléré est la conséquence d’un pétrissage intempestif. Or, vous le savez dans les années 1950, la boulangerie a cru atteindre le Graal et toucher le gros lot grâce au pétrissage intensifié. Il aura fallu près d’un demi-siècle pour déchanter, et une remise en question encore plus claire et consensuelle du pétrissage n’est pas encore achevée. Pourtant la solution existe, un frasage élémentaire suffit pour que la formation du réseau de gluten puisse se faire sans bouleverser l’environnement du grain d’amidon. Après une demi ou une heure de latence, il suffit de très peu d’énergie pour lisser la pâte et ce, d’autant plus que sa température est suffisamment élevée. Il est temps de prendre conscience qu’une pâte peut faire sa vie toute seule, par son potentiel enzymatique, grâce à la fermentation aussi et sans l’aide d’une énergie mécanique superflue. Il est souhaitable aussi d’utiliser le moins de sel possible, puisque ce dernier est un fort inhibiteur des fermentations. Cette approche est à l’opposé du rôle que l’on attribue au sel pour renforcer la ténacité du gluten d’une pâte soumise à un pétrissage conventionnel. « Heureusement qu’il n’y a pas de tribunal boulanger, je serais brûlé comme un hérétique ». Toujours est-il que, par la quasi suppression du pétrissage, la durée de conservation du pain est fortement améliorée. Avant de clore la question du pétrissage, sachez qu’un pain qui se conserve longtemps possède le meilleur des index glycémiques possible, un critère si souvent utilisé dans le discours médical du pain qui fait grossir.

Céréales, Granipain - Christian REMESY

Pour produire un pain de longue conservation, il faut sortir des sentiers battus d’un pain fait de pur blé !

Le blé tendre doté de son gluten a bien des qualités, mais il est indispensable de l’associer à d’autres types de farine pour aboutir à un pain vraiment abouti et qui se conserve particulièrement bien. Par ailleurs, il y a bien sûr la nécessité de panifier au levain. Préoccupé par la qualité nutritionnelle, je vous ai présenté l’intérêt de concevoir un nouveau type de pain que j’ai nommé le granipain, riche d’une vingtaine de graines. Mais je ne pensai pas faire d’une pierre deux coups, or j’ai pu observer que la conservation d’un granipain est nettement améliorée par rapport à un pain pur blé. Ce mélange de graines, en particulier grâce aux fibres solubles du seigle, aux béta glucanes de l’avoine et de l’orge, aux autres sources de pentosanes ou de mannanes apportées par les autres graines crée un environnement de protection du grain d’amidon. A cela s’ajoutent l’enrichissement en protéines par les légumes secs, voire un effet possible des matières grasses des graines oléagineuses. La part de tous ces éléments dans la bonne tenue du granipain mériterait d’être mieux explicité bien sûr et vous ne manquerez pas de m’en informer.

Enfin la panification d’un pain longue conservation ne peut se concevoir qu’au levain (cf mes deux précédents articles dans la Tribune des Métiers) pour aboutir à une dégradation suffisante des parois végétales des graines, ce qui renforce l’effet des fibres solubles naturellement présentes. Par ailleurs, pour prévenir les moisissures lors de la conservation du pain, il est nécessaire que son pH ait une acidité suffisamment basse, aux alentours de 4,4. Les autres effets du levain (croûte et mie plus épaisse)  participent aussi à l’amélioration de la conservation du pain. En conclusion, un pain réellement nouveau est en train de voir le jour et réunit les qualités boulangères de la farine de blé et les apports nutritionnels d’une grande diversité de graines dont l’intérêt avait largement été ignoré en panification, puisqu’elles n’avaient jamais été testées et réunies en grand nombre au sein du même pain. C’est une vrai révolution du pain, qui sort amélioré par le mariage de la farine de blé avec des graines d’origines botaniques extrêmement diverses, c’est aussi un retour aux sources lorsque nos ancêtres n’eurent pas d’autres choix que d’écraser et laisser fermenter leurs maigres récoltes de graines de toutes origines. C’est une communication nouvelle qu’il faut faire sur cette révolution d’un pain meilleur pour la santé et plus facilement disponible dans les foyers.

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