Gagner la confiance des consommateurs en affichant les valeurs nutritionnelles des farines et des pains !

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Par Christian REMESY

Christian Remesy
Christian Remesy

La boulangerie a fait l’exploit de commercialiser ses divers pains, voire d’en revendiquer l’excellence sans jamais communiquer leur composition nutritionnelle, sans fournir la nature des ingrédients utilisés, sans expliciter la signification des types de farine, sans préciser le nature du ou des ferments utilisés, sans donner les teneurs de sel incorporés par kg de farine, sans décrire les procédés de pétrissage et la conduite des fermentations. Si les modes de panification peuvent paraître trop techniques à communiquer, tous les autres paramètres pourraient clairement et avantageusement être affichés pour gagner la confiance des consommateurs. Longtemps, les français ont acheté leur pain en faisant une confiance aveugle aux boulangers. Lorsqu’ils ne le trouvaient pas à leur goût, ils tentaient leur chance dans une boulangerie voisine. Le manque de dialogue entre boulangers et consommateurs a conduit aux dérives historiques du pain blanc, trop pétri, trop salé, trop vite rassis et au déclin inéluctable de sa consommation. Le temps est venu de jouer carte sur table et de donner une lisibilité nutritionnelle au pain, ce qui devrait restaurer la confiance des consommateurs et grâce à cette exigence, il est fort probable que les boulangers feront évoluer leur pratique vers l’excellence nutritionnelle.

Afficher la valeur nutritionnelle des farines dans les boulangeries

Le premier levier pour accroître la densité nutritionnelle du pain serait de mieux communiquer sur la qualité des farines utilisées. Premier constat, les boulangers ne le font quasiment pas ; autre problème, les farines sont classées par un Type dont le grand public ignore la signification. Les pouvoirs publics sont totalement responsables de cette anomalie mais la filière blé pain n’a rien fait pour faire évoluer cette réglementation. La solution est très simple, la valeur du Type devrait être exprimée en mg de minéraux totaux pour 100g (ce qui sert à le définir et qu’il suffirait donc d’expliciter). Avec ce mode d’expression, les farines blanches apparaîtraient nettement moins minéralisées que les farines bises ou complètes. La suite est limpide, puisque les teneurs en fibres ou en vitamines varient comme celles des minéraux. Ce n’est pas étonnant puisque tous ces éléments sont concentrés dans les enveloppes du grain, éliminées de la farine blanche. La filière blé pain devrait être dans l’obligation de mettre à la disposition des boulangers des tableaux actualisés de composition nutritionnelle des farines (correspondant aux Types usuels), afin qu’ils soient affichés dans les boutiques de vente. Il est clair que l’explicitation nutritionnelle des Types de farines inciterait le consommateur à privilégier les pains Type 80. Il serait possible d’expliquer aussi que ce type de pain peut être obtenu par d’autres procédés, en incorporant des farines complètes à la farine blanche T65 de base ou par l’élégante technique du son lactofermenté. Si toutes ces informations étaient clairement communiquées, nul doute que cela pourrait influencer le choix des consommateurs et stimuler la consommation de pain. Vous n’imaginez pas acheter une voiture sans connaître ses performances techniques, pourquoi faudrait-il que le consommateur se désintéresse de la composition d’un aliment qui le nourrit. La composition du pain reflète rigoureusement celle des farines dont il est issu, avec l’assurance qu’une bonne fermentation améliore la digestibilité de ses divers constituants. Avec vos tableaux de composition des farines affichés en boutique, vous aurez l’opportunité de mettre en exergue la valeur nutritionnelle de vos pains.

Généraliser l’utilisation de farines natives

Après cette étape de communication nutritionnelle, il vous faudra être plus clairs sur la question des additifs ou auxiliaires de panification. Pour mémoire, le décret du pain de tradition française interdit de nombreux additifs couramment utilisés en panification mais la meunerie a pu continuer à ajouter du gluten (sous-produit de l’amidonnerie) et des enzymes (type amylase) qui échappent à tout contrôle puisqu’elles sont détruites à la cuisson. En fait vous savez tous que l’application de ce décret est très partielle, en effet l’appellation pain de tradition est utilisée seulement pour la promotion de la baguette. Pour les autres types de pain, vendus sans allégation « pain de tradition » (ce qui est bien paradoxal), les meuniers peuvent donc doper leurs farines avec les additifs à leur convenance En fait, pour gagner durablement la confiance des consommateurs, la meilleure solution serait de n’utiliser que des farines natives sans aucun ajout d’additifs, de gluten ou d’enzymes. L’affichage nutritionnel et la généralisation des farines natives sont les mesures indispensables pour redonner au pain ses lettres de noblesse.

Afficher la teneur en sel et la réduire très fortement dans les pains bis ou complets

La question du sel est l’autre sujet qui fâche et qui doit impérativement être réglé. Ce n’est pas un détail, le pain peut être la plus grande source alimentaire de sel. Or l’implication du sel dans la genèse de l’hypertension et des maladies cardiovasculaires est bien établie. Pourtant, les boulangers n’affichent quasiment jamais la teneur du sel utilisée (exprimée par kilo de farine) dans leurs pains et en France, les pouvoirs publics n’ont pas été fichus de réglementer les apports de sel en panification contrairement à certains pays comme le Portugal ou la Belgique. La seule recommandation (non obligatoire) a été de limiter à 18g l’ajout de sel par kg de farine. La boulangerie a voulu garder la main et s’engagerait réduire un peu le sel dans le pain. Rien de bien significatif, dans 20 ans le problème ne sera pas encore résolu. Une remarque s’impose : l’ajout de sel est rendu nécessaire lorsque le pétrissage est trop intensif et rend insipide une pâte de farine blanche. Donc il faut au préalable réduire le pétrissage pour espérer limiter à 15g par kilo l’ajout de sel dans une farine blanche. Ce serait tout à fait possible, et bénéfique pour l’index glycémique. Par ailleurs dès que l’on va vers des pains bis ou plus complets la baisse du sel peut être encore plus forte. En effet, la présence du son donne du goût à la pâte, de même que l’utilisation de levain, si bien que l’ajout de sel peut et doit être réduit dans ces cas à 12g au kg. En fait nous aurions besoin d’une réglementation qui fixe la teneur maximale de sel à utiliser en fonction du Type de farine. Il est remarquable qu’en allant vers les pains bis ou plus complets tous les paramètres nutritionnels, y compris la teneur de sel puissent être améliorés. Encore faudrait-il que les consommateurs en soient bien informés.

En conclusion, pour préserver l’avenir du pain, sa valeur nutritionnelle doit pouvoir être mise en avant par des techniques de vulgarisation nouvelle.