Concours « Un des Meilleurs Apprentis de France » : les origines

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Vannes, le 26 février dernier : la Chambre des Métiers et de l’Artisanat accueillait une Assemblée Générale très particulière : Serge Gaujour président MOF Bretagne, assurait le passage de témoin après son dernier mandat et 39 années d’investissement. Un moment fort et riche d’anecdotes, qui a plongé l’assistance aux origines du concours « Un des Meilleurs Apprentis de France » et ses tribulations, où se mêlent amitié et complicité, rififi et crocs-en-jambes et même, un hélicoptère présidentiel !

Par Marie Anne Page

Tout est parti de Bretagne et du Morbihan… 

Pour Serge Gaujour maintenant président d’honneur des MAF, l’hommage rendu à son initiateur Paul Labourier (disparu en 2007), renouait avec une grande aventure : celle de deux pioupious provinciaux, convaincus de réussir leur projet.

De la complicité et l’investissement de deux hommes, à la fédération de 8 départements

Nous sommes en 1983 : Paul Labourier préside la toute nouvelle section départementale des MOF, Serge Gaujour en est secrétaire général, les deux MOF Chaudronnerie (inoxydable pour le premier, cuivre pour le second). Deux années plus tard, Paul lui lance : « et si on faisait un concours d’apprentis ? ». A savoir qu’à l’époque, l’Education nationale ne voulait pas entendre parler du mot apprenti, lui préférant celui d’apprenant.

1985 va marquer le 1er concours « Un des Meilleurs Apprentis », auquel vont ensuite adhérer 7 autres départements dans les trois années suivantes. Période durant laquelle la polémique, la colère enflent et grondent dans la capitale, tant à l’Education nationale qu’au bureau national des MOF (pour certains de ses membres du moins).

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Le mariage MAF-MOF : une merveilleuse aventure aux fortes tribulations initiales…
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« Un des Meilleurs Apprentis de France » réunit 115 métiers en 2022/ Crédit SnMOF
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Paul Labourier (MOF Chaudronnerie), disparu en 2007.

Avant d’expliquer le « rififi » parisien, revenons sur l’idée de créer ce concours

« Lorsqu’on a lancé la section MOF du département, il fallait se faire connaître, on allait dans les écoles pour parler de notre travail. On voyait l’attrait de ces jeunes pour les métiers manuels, mais l’orientation ne laissait aucun choix, sauf s’ils se trouvaient en échec. On demandait 80 % de bacheliers et nous, on voulait valoriser, redonner aux métiers leurs lettres de noblesseLes jeunes voyaient les œuvres et ils étaient éblouis. Travail du bois, du cuivre… on leur donnait de l’émulation, l’envie de faire ce concours. Tout est né là. »

Emulation des départements, implication de collègues MOF, de chefs d’établissements, professeurs techniques (en blouses bleues en ces temps, quelle gratification pour eux !), maîtres d’apprentissage, personnalités, élus…Mais toujours pas de concours national possible. « On coupait l’herbe sous le pied du COET, qui avait l’idée d’en lancer un pour les jeunes. Au Bureau des MOF, certains membres considéraient que cela portait ombrage au concours même des MOF, alors que l’on pouvait créer une pépinière ! On ne comprenait pas ce rejet. »

Pour les Bretons, l’époque des voyages en « train patate »

Que de jours, de semaines, de mois de travail bénévole, que de weekend consacrés ! En alternance entre Vannes chez la famille Labourier, et Kervignac chez les Gaujour, avec la chance extraordinaire d’être compris , soutenus par leurs épouses Marie-Rose et Danièle et, les enfants.

Que de voyages pour la capitale ! Serge Gaujour raconte en souriant : « On prenait le ″train patate″ (un omnibus avec un trajet de 7, 8 heures) pour y aller, on entrait dans les ministères. Travail, Education nationale…les deux Bretons avec leurs sabots plein de paille, venaient leur parler d’apprentissage ! » Le duo, soulignons le, toujours courtoisement reçu car la majorité des interlocuteurs était favorable au projet.

Stimulés d’un coté et de l’autre, attaqués par le COET et certains MOF. Mais fin 88, la situation devenait intenable… Le préfet du Morbihan avait même été mandaté pour leur faire cesser une A.G. ! Les présents frôlant la prison.

Dire de l’un des membres du Bureau parisien (aujourd’hui disparu), assenait « tant que je serais au C.A. il n’y aura jamais de concours d’apprentis ». Pour devenir par la suite l’un de ses plus fervents ambassadeurs. La plus jolie revanche qui soit non ?

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Les Bretons à Paris à l’époque du « train patate »
aux 8h de trajet !
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Paul Labourier (à gauche) et Serge Gaujour :
un duo à l’amitié sans faille.

Un dénouement où se mêle l’hélicoptère présidentiel…

Digne d’un roman ! Serge Gaujour avait des liens étroits avec Maxime Gautrain, maire d’Arleuf (petite ville proche de Château-Chinon), ami à son tour de l’assistante personnelle du président Mitterrand. Cette dernière l’accompagnant dans tous ces déplacements, le dossier lui avait été remis en main propres et sur le tarmac avant le décollage de l’hélicoptère. Voilà comment une idée provinciale s’est hissée jusqu’au plus haut de l’Etat. Avec le recul, on savoure encore plus le début du courrier de Paul Labourier :

« Monsieur le Président de la République,

Je vous prie de bien vouloir m’excuser pour cette manière peu orthodoxe de vous faire parvenir cette lettre et le dossier joint… »

La ferveur et le projet entendus, les ordres descendus de l’Elysée, tout s’est mis en place pour œuvrer au développement du MAF, grâce aussi à la nouvelle présidente de la SnMOF Olga Saurat (qui y avait toujours cru).

Bravo Paul et Serge, les deux « pioupious » si convaincus, bravo pour avoir tenu car les années suivantes afficheront bien de réussites : le titre « Un des Meilleurs Apprentis de France », officiellement déposé, le soutien et le parrainage de nombre de ministères, la participation active des établissements, le dévouement des formateurs…

Fort de son prestige, le concours réunit maintenant 115 métiers, avec une moyenne annuelle de 5000 candidats (jusqu’à 6000 certaines années), pour 350 MAF. Les talents de nos Apprentis vont continuer d’émerveiller !

A noter que les étapes de cette formidable saga feront bientôt l’objet d’un ouvrage, sur lequel travaille Serge Gaujour.

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Serge Gaujour : après 39 années d’actions, toujours aussi attaché à la valorisation de l’apprentissage.

TEMOIGNAGES & PARTAGES

Michel Aoustin, Président de la Chambre des Métiers et de l’Artisanat de Bretagne

« Quand je constate l’enthousiasme de nos apprentis bretons à concourir, quand je vois la fierté de leurs parents le jour des cérémonies de remise des trophées Un des Meilleurs Apprentis de France, je me dis qu’il n’y a pas de meilleure manière de parler des valeurs de l’Artisanat, ni de plus belle vitrine pour notre jeunesse ! ».

En tant que Président de la Chambre de Métiers et de l’Artisanat de Bretagne et précédemment celle du Morbihan – , et tout autant en qualité de Maître Artisan Boulanger morbihannais passionné par la réussite de notre jeunesse et la valorisation de nos métiers, je suis particulièrement reconnaissant à Paul LABOURIER, à Serge GAUJOUR et à tous les MOF pour leur volonté de montrer la voie à notre jeunesse et à ses nombreux Talents. »

Gérard-Joël Bellouet, MOF Pâtisserie

« J’ai assisté à la proclamation des MAF Pâtisserie 2022. La moitié étaient des filles, dont trois sur le podium, c’est une évolution formidable ! Je pense que c’est une chance pour les jeunes d’avoir déjà cette expérience de la compétition, qui est sans doute le meilleur pour accéder ensuite à d’autres et peut-être le MOF. J’imagine qu’ils n’oublient pas cette remise de prix, de se retrouver à côtoyer les plus grands noms…. Tout le monde ne peut pas gagner, mais le travail énorme fait pour ce concours est positif et toujours récompensé. Si jeunes, ils font déjà partie des meilleurs !»

Amandio Pimenta, MOF Boulangerie

« Le concours MAF fait aujourd’hui l’unanimité tous secteurs confondus. C’est un parcours d’excellence, un ascenseur social indiscutable. Il y a actuellement de nombreux jeunes qui ont été titrés MAF, devenus chefs d’entreprises artisanales. Bien entendu parmi ces derniers, certains se présentent à leur tour au concours MOF…Ainsi  le MAF est un cercle vertueux , qui permet à ces jeunes de se réaliser plus profondément en savoir faire technique, de se construire aussi humainement avec des rencontres diverses. »

Entre père & fils : Christophe et Emilien Canet

La réputée maison Canet à Nice, prépare avec Emilien, la 4e génération de pâtissiers-chocolatiers.

Christophe (le père) : « Pour un jeune, c’est la possibilité de faire un buffet et de s’exprimer pleinement. On lui donne la possibilité de s’exprimer par lui-même…En passant ce concours, Emilien a laissé son empreinte. J’ai trouvé que c’était intéressant par rapport au travail en entreprise, parce qu’on lui donne la possibilité de montrer son propre sens artistique. Et puis, les chefs présents sont des dieux et de pouvoir discuter avec eux, c’est le graal ! »

Emilien (le fils). Finaliste PACA en pâtisserie, arrivé en 4e place en national.

« C’était important pour moi de le passer, d’être à la finale régionale et de monter à Paris. C’était intense, j’avais la boule au ventre, une pression constante…Finalement, c’est une excellente expérience, j’ai rencontré des personnes majeures et importantes en pâtisserie. Cela m’a donné envie de faire d’autres concours…et de terminer à la 1ère place. »

NDLR : Emilien a passé la finale Pâtisserie au CEPROC, celle-ci chapeauté par la Confédération nationale des Pâtissiers. Les Desserts de restaurant sont eux, organisés par la SnMOF.

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Christophe et Emilien Canet, 3e et 4e générations de pâtissiers.
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MAF 2022 : Emilien Canet entre Laurent Le Daniel (président de la Confédération nationale des Pâtissiers), et Claire Damon (présidente du jury MAF Pâtisserie 2022).

Jean-Yves Hamelin (MOF menuiserie, Lorient), président de la section Morbihan.

« Nous pouvons être très fiers de cet héritage. Qu’on ait voulu me le confier en me nommant président du groupement m’honore. J’y détecte deux missions principales . La première, fédérer les MOF du département en révélant leurs parcours exemplaires. La deuxième, faire rayonner les vertus de l’apprentissage des métiers en animant le concours MAF.

Cette présidence est une grande responsabilité et une belle aventure que je partage, avec bonheur, avec mes collègues et amis et plus particulièrement les membres de mon bureau. J’y vois aussi une offrande: l’opportunité de réussir cette tranche de vie qu’est la TRANSMISSION. »

Jean-François GIRARDIN – Président de la Société nationale des Meilleurs Ouvriers de France

« Le concours est né est Bretagne, c’est d’ailleurs une Région représentative et qui regroupe toujours beaucoup de candidats. Depuis sa création il y a 40 ans, le MAF a considérablement évolué, d’abord en devenant national en 2001 puis en ouvrant année après année de nouveaux métiers.

Aujourd’hui le concours Un des Meilleurs Apprentis de France rassemble chaque année près de 5 000 candidats, la promotion 2022 est ouverte dans 115 métiers. Cela demande une organisation colossale qui ne serait possible sans l’aide de plus de 3 000 bénévoles qui s’investissent chaque année à nos côtés.

La transmission est dans l’ADN des Meilleurs Ouvriers de France, la réussite de ces jeunes qui perpétuent nos savoir-faire est notre plus grande satisfaction. »

Société nationale des Meilleurs Ouvriers de France

Siège national
16 Rue Saint-Nicolas
75012 Paris
meilleursouvriersdefrance.info

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Le duo breton a réussi son projet : faire de ce concours une « pépinière » de futurs MOF.
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Le Théâtre du Châtelet : l’un des prestigieux lieux où se déroulent les remises des médailles MAF/ Crédit SnMOF