Horizons… à la rencontre de Jean Lachenal, chef pâtissier du Royal Mansour à Marrakech

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Il était une fois un Royaume. Et dans ce royaume, une ville où dans un même lieu, tous les plus grands artisans du pays s’étaient réunis pour présenter leurs savoir-faire et leurs traditions. Marbres, ferronneries, céramiques, zelliges, tapis, tissus, cuirs, broderies, marquèteries… Bienvenue au Royal Mansour, spectaculaire reflet de l’art de vivre marocain. Pour œuvrer à l’univers sucré du palace, le chef Jean Lachenal, jeune et talentueux pâtissier qui, avec ses racines françaises, s’inspire des longues et riches traditions de son pays d’accueil.

Portrait de Jean Lachenal
Jean LACHENAL
Portrait Brigade
La Brigade de l’univers sucré

Par Marie Anne Page

Originaire d’Annecy et 31 ans à peine fêtés, il affiche un joli parcours sur l’international qui l’a mené entre autres au Québec, à de grandes tables telles celle du Bristol parisien et Lasserre, où il a été repéré par Yannick Alléno. Entré dans le « Team » du grand chef, Jean Lachenal a pris ses marques au Royal Mansour en 2019 avec le poste de Chef pâtissier exécutif, une mission qui l’a plongé dans l’atmosphère unique de Marrakech. Au pied des montagnes de l’Atlas, celle qui fait partie des quatre cités impériales marocaines enchante les visiteurs par l’ambiance médiévale de sa vieille ville et la beauté de son architecture aux influences andalouses. Etonnante « ville rouge » avec ses remparts de chaux et de terre qui lui donnent cette couleur si particulière…

Marrakech abrite la plus grande médina d’Afrique du nord, classée au patrimoine mondial de l’humanité. Aux temps jadis, ses immenses portes étaient refermées la nuit pour protéger les habitants des maisons traditionnelles, les riads. Véritables joyaux de l’architecture marocaine par leurs arcs, coupoles, jardins, fontaines et mosaïques, ils ont inspiré les concepteurs du Royal Mansour.

Le Royal Mansour, une pépite hôtelière au concept unique d’architecture

Ne cherchez pas de chambres ou de suites ! L’ensemble est bâti en 53 espaces privés, tous différents (dont par les superficies), mais tous conçus à l’image d’un riad de pure tradition sur trois niveaux, avec toit-terrasse et patio privatif… Une somptueuse façon de réinterpréter l’essence des origines.

Ouvert en 2010 dans un domaine de 6 hectares (à quelques minutes à pied de la fameuse place Jemaa El Fna), le Royal Mansour a été aménagé, décoré par les plus grands artisans marocains, faisant de lui l’une des plus belles vitrines en savoir-faire et raffinements. Autre particularité, les tunnels souterrains ! Dans lesquels les équipes circulent en voiturettes et par lesquels le service se fait en toute discrétion, remontant de riad en riad… La clientèle, plutôt internationale, vient s’y détendre et savourer les différentes offres gastronomiques.

Un travail sur mesure alliant gastronomie, terroir et tradition locale

Pains, viennoiserie, chocolaterie, confiserie… tout est fait sur place. De même pour la pâtisserie marocaine. La brigade du chef pâtissier se compose de36 personnes salariées et de 12 stagiaires (formés dans leur propre académie), pour le room service, le petit déjeuner, le tea time, les banquets en extérieur. Et, les tables des 4 restaurants: LeJardin, restaurant asiatique avec cuisine sur le feu et desserts glacés, La Table, cuisine française bristronomique chic par Yannick Alleno. Le Sesamo, un typique italien-vénitien signé par le grand chef Maximiliano Alajmo et La Grande Table Marocaine, alliant traditions et modernité. Quatre lieux avec leur identité propre, imaginés pour accompagner tous les rêves gourmands. «Nous n’avons que 53 riads à servir. L’offre doit être exceptionnelle. C’est un travail de tous les jours où nous ne refusons jamais rien à nos clients, du sur mesure constant. Je me dois de citer mes chefs avec qui je travaille depuis quelques années, qui permettent avec le reste de l’équipe bien sûr, de réussir chaque jour le challenge : Jaouad Oualadi, Romain Corrèze, Mohamed Gamani, Aziz Bouzkri et notre chef boulanger Hassan El Fallaouy. » 

En management, apprendre à parler moins vite !

Certes, nous sommes dans un pays francophone, la barrière de la langue se fait moins sentir, mais il faut cependant en tenir compte. Voilà comment le chef a décéléré son rythme de parole ! Sans hésiter à répéter, calmement en tenant bien son rôle de superviseur. Car la meilleure façon de fidéliser son personnel (avec un salaire correct bien sûr), est de le former, de l’accompagner, de le faire évoluer. Une mission que Jean Lachenal accomplit avec sérieux et plaisir. « Et j’aime l’ambiance ici, ça bouge, c’est vivant, ça parle, c’est très actif ! »

La connaissance et l’initiation se font aussi dans l’autre sens, avec un Jean Lachenal toujours émerveillé par la richesse de l’art islamique, l’architecture et, le goût des Marocains pour la table !

Le Royaume du Maroc, pays de partage, de générosité et de saveurs

« La première chose que l’on apprend au Maroc, je dirais la notion de partage et de générosité. Je crois que j’ai grossis les portions ! Hormis cela l’apprentissage est énorme, toute la partie pâtisserie marocaine est un vaste sujet et il faut parfois parcourir les régions pour en découvrir de nouvelles. 

C’est un pays tellement riche et gourmand…C’est à La Grande Table Marocaine où l’on peut s’exprimer et conjuguer technique pâtissière, gastronomie, terroir et tradition locale. » 

« Le café par exemple, ici il est moulu fraîchement mélangé à de la farine de sésame et quelque épices comme le clou de girofle, cannelle, cardamome, quelque grain de macis, de poivre noir et blanc. Il sera bouilli longtemps dans la cafetière. Ce goût de café comme on le boit dans la maison marocaine, nous devons le retranscrire au client. Et puis après il y a des petits bijoux. Il faut goûter le « raib ». Un yaourt que l’on réalise à la fleur d’oranger,  d’une finesse et d’une élégance sans nom. A l’époque on utilisait un cœur d’artichaut disposé dans le fond du bol recouvert du lait non pasteurisé pour le faire cailler.»  

L’artisanat marocain, merveilleuse source d’inspiration

Par les échanges avec les artisans et historiens, une curiosité sans cesse régénérée et enrichie de nouvelles rencontres, naissent dans le laboratoire des créations telles les bûches « Zelliges », l’œuf de Pâques façon jarre, ou l’œuf en chocolat travaillé dans un esprit de cuir délicatement ouvragé…

L’histoire de l’œuf de Pâques-pastilla

Le chef explique la démarche : l’idée était de pouvoir le consommer comme une boîte de biscuits. Une fois l’embout enlevé on peut prendre chaque feuillet un à un. Chaque feuille de pastilla est glacée en dessous de praliné au sésame blond, de sésame caramélisé et de chocolat au lait. Il sera enrobé par la suite très finement. Donc toutes les feuilles sont empilées sur un tube pour les maintenir. La demi-sphère de chocolat dans un effet de vieux bois vernis était garnie de bonbon de chocolat classique. Celui-ci était encore posé sur une petite stèle pour le mettre en valeur avec le logo du Royal Mansour qui leur est cher pour tout ce qu’il porte et leur apporte.  

« On travaille les recettes, on teste le croquant, croustillant, demi-croustillant, rien de simple. Le chocolat toujours un aspect gustatif, démontable, pour permettre aux clients de ne pas le casser. On aime changer la gestuelle, dans un esprit de gourmandise et de jeu. »

L’univers sucré n’a pas de références phares, les cartes sont toujours en mouvement. L’ensemble suit en revanche des lignes directrices, comme celle d’avoir toujours un fruit givré au restaurant Le Jardin, toujours un dessert à base de pastilla à La Grande Table Marocaine, une partie de desserts traditionnels régressifs à La Grande Table Française, toujours cette grande glace turbinée à la minute servie au restaurant italien Sesamo…

« Le goût avant tout », une phrase chère au jeune chef

Ce qui signifie qu’il passe devant l’esthétique. Etonnant pour une personne qui œuvre dans un palace ! « A mon sens, gérer l’esthétisme d’un dessert avant l’émotion gustative peut nous empêcher d’être dans le goût ou la texture qui ce doit d’être. Si je veux ma meringue parfaitement cylindrique, je vais me mettre des barrières, elle ne pourra peut-être pas être aussi fine ou friable quelle devrait. Il faut prioriser la sensibilité, l’émotion gustative. Je trouve que ces dernières années certains de la profession sont allés un peu trop loinLes échanges que j’ai avec les clients au quotidien me confortent dans cette idée.»

Ne pas oublier ses mentors…

Paul Collet MOF Pâtisserie 1986, chez qui il a passé ses trois premières années. « Un artiste, un patron, un pâtissier passionné lié à une époque révolue. Je restais souvent les après midis pour apprendre le travail du sucre d’art, le pastillage, les pièces en chocolat…toujours avec son soutien. » 

Le jeune chef rend aussi hommage à Jean Marc Guillot, MOF glacier et Champion du Monde. Christian Camprini MOF chocolatier, autre professionnel très important dans son parcours.

Et pour terminer, Yannick Alléno, bien plus qu’un cuisinier pour lui. « Il porte un vrai regard sur la gastronomie en général (et j’insiste bien sur le « en général »), et comme chef d’entreprise. Il donne du sens à tout ce qu’il fait et entreprend, tout est pensé, tout est lié, tout est maîtrisé. Il cultive autant son savoir que son savoir-faire. Il n’y a pas plus plaisant que de s’attabler avec lui et écouter, débattre, déguster,  converserAuprès de lui, j’ai une pâtisserie plus décomplexée, plus percutante et créative. On ne lâche jamais, la création et le développement sont au cœur de tout. Tout devient très dynamique, tout prend son sens. » 

La Madeleine de Proust de Jean Lachenal

« J’ai de bons souvenirs de tellement de desserts, de gâteaux, de biscuits…mais cette enfance n’est pas loin, ces plaisirs ne se sont pas perdus. Pour en citer deux, je dirais le fameux gâteau chocolat praliné 1848 de maman et, la tarte aux prunes de ma grand-mère : foncée du bout des doigts dans le moule, la pâte restera toujours un peut moelleuse et s’imbibera du jus des prunes du verger qui prennent en acidité a la cuisson. C’est un produit de saison qu’il faudra attendre chaque année. »

« J’en aurais beaucoup plus à raconter tant je viens d’une famille ou l’on fait des gâteaux ! La charlotte aux framboises de maman est exceptionnelle. Framboise du jardin, chantilly molette, boudoir imbibé légèrement citronné…Elle prédisait le pire à chaque fois avec cette fameuse phrase qui précédait le démoulage  « oh bah je ne sais pas si j’ai bien fait et qu’elle va se démouler, je n’ai pas réussi à bien monter ma chantilly ». Il ya bien eu quelques mouvais démoulages, mais on était sur une merveille gustative!» 

Royal Mansour
Rue Abou El Abbas Sebti,
40 000, Marrakech, Maroc
https://www.royalmansour.com