L’eau et la vapeur au cœur des enjeux de sécurité de l’industrie agroalimentaire

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Sur le plan sanitaire comme de la sécurité des salariés, le traitement de l’eau et les réseaux de vapeur dans l’industrie agroalimentaire doivent plus que jamais être au cœur de la politique de gestion des risques des acteurs du secteur.

Avis d’expert par Mikael TOURNAUX, Responsable Marché Agroalimentaire BWT France

La sécurité sanitaire et individuelle, préoccupation majeure de l’agroalimentaire

Perçue, à juste titre, comme indispensable à la vie, l’eau a pu un temps être « oubliée » : d’une grande facilité d’accès dans les pays développés, elle n’en reste pas moins une ressource à protéger. Mais aussi à surveiller de près. Car une contamination de l’eau peut entraîner des conséquences particulièrement graves.

Un risque bien réel en résidentiel, mais plus insidieux dans l’industrie agro-alimentaire, en raison de l’absence d’effets immédiats. Or, les scandales sanitaires à répétition, associés à un accès à l’information toujours plus facilité, ont conduit à une certaine défiance de la population envers l’industrie agroalimentaire.

Laquelle a parfaitement conscience des enjeux : 62 % des entreprises du secteur classent en effet le risque sanitaire numéro 1 du top 3 de leurs préoccupations. Il faut dire qu’avec 1,5 million d’intoxications alimentaires par an en France et 55 000 inspections annuelles, dont les résultats sont rendus publics, assurer la sécurité sanitaire de ses installations hydriques (et de toute la chaîne de production) est désormais une obligation.

Mais pas seulement : en deuxième position du top 3, se classent les risques liés à la sécurité et à la santé des salariés, se permettant même de précéder les risques financiers et administratifs, préoccupation numéro 3 du classement avec 43 %. Si la manutention manuelle représente le risque majeur dans l’agroalimentaire (51 % des accidents du travail), les brûlures thermiques (autour de systèmes de production de vapeur par exemple) sont responsables, rien qu’en France, de 2 000 accidents du travail par an, pour près de 12 000 jours d’ITT.

Vapeur alimentaire et eau ingrédient : risques et normes associées

Qu’il s’agisse d’eau (sous forme liquide) ou de vapeur, selon les processus industriels concernés, différentes qualités sont à discerner, en fonction de l’usage prévu. Car il serait économiquement impossible d’utiliser de l’eau ou de la vapeur pure dans tous les processus.

Ainsi, la vapeur, qui est un fluide particulièrement adapté aux procédés thermiques alimentaires, et l’eau, sont considérées comme ingrédient dès lors qu’elles entrent en contact avec l’aliment (ou la boisson) finalisé. Et les contaminants (dont dépend la pureté) sont potentiellement nombreux : solides (poussières, rouille : carbonates et sulfates de calcium et de magnésium, oxydes de fer), chimiques (métaux lourds, sels de sodium, amines et autres additifs, chlorures, sulfates), biologiques (bactéries, virus, moisissures) ou incondensables (oxygène, ammoniac, dioxyde de carbone).

Pour encadrer ces risques, qui peuvent engendrer des impacts importants pour l’entreprise en cas d’incident (coûts directs de rappel produits, image de marque dégradée, altération des spécifications du produit…), outre d’éventuelles normes et référentiels internes, deux réglementations régissent le secteur, en fonction des marchés cibles.

En Europe, le règlement européen CE-1935/2004 impose 3 règles pour les matériaux et objets en contact avec les aliments : ne pas présenter de danger pour la santé humaine, ne pas modifier les caractéristiques organoleptiques des aliments, et enfin ne pas altérer la composition des aliments. Tandis qu’un certain nombre de normes complémentaires (EN285, ISO 22000) peuvent aider les entreprises dans l’élaboration de leurs référentiels internes, et par voie de conséquence dans la conception de leurs installations.

À noter que les réglementations pour produits infantiles (industries laitières notamment) sont encore plus strictes, avec l’élimination désormais des chlorates et perchlorates. Dans tous les cas, les travaux et recommandations de l’EHEDG (European Hygienic Engineering and Design Group) peuvent guider les industriels de l’alimentaire en fonction de leurs enjeux et contraintes.

La sécurité individuelle : réduire le risque d’accident

Quels que soient les produits fabriqués, l’industrie dans son ensemble s’emploie depuis des décennies à réduire le risque d’accidents. Dans l’agroalimentaire comme ailleurs, toute la chaîne de production est concernée, à tous les niveaux. Ce qui inclut naturellement le traitement de l’eau, dont les principales problématiques sont la maintenance des installations, qui impliquent l’intervention d’un ou plusieurs opérateurs, mais également le respect des réglementations.

Et les risques peuvent être nombreux : manutention des sacs de sel destinés aux adoucisseurs, brûlures thermiques sur les réseaux de vapeur (vapeur et condensats), brûlures chimiques (chlore, produits d’analyse à base d’acides concentrés, etc.). Pour réduire ces risques, les installations évoluent peu à peu avec l’apparition, par exemple, de silos pour du sel en vrac, la production in situ de biocides à base de sel, ou encore la conception de réseaux vapeur plus simple à maintenir et mieux sécurisée.

Dans ce contexte de réseaux subissant des pressions importantes, les recommandations de l’Institut National de Recherche et de Sécurité (INRS), en matière de consignation et déconsignation notamment, ainsi que la norme ISO 4126, relative aux dispositifs de sécurité pour protection contre les pressions excessives, comptent aujourd’hui parmi les textes de référence pour assurer la sécurité des installations.

Dans tous les cas, face à des réglementations toujours plus complexes, et des coûts directs et indirects importants en cas d’incident voire d’accident, l’industrie agroalimentaire doit considérer le traitement de l’eau comme fondamental dans le processus de production, et surtout générateur de sécurité aussi bien sanitaire qu’individuelle.