Horizons… Escale (gourmande) à la Brittany Ferries

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Sa flotte de 12 navires, des lignes qui desservent l’Irlande, la Grande Bretagne et l’Espagne, entre 2400 et 3100 collaborateurs selon la saison, ses milliers d’emplois directs et indirects…font de la Brittany Ferries -fierté française et bretonne-, l’une des premières compagnies sur l’Ouest européen. Très bien positionnée sur le confort et l’art de vivre, elle s’est donné en autre atout « une gastronomie raffinée et inventive ».

Par Marie Anne Page

Impressionnant non ? Dire que tout a commencé avec des paysans et une bataille d’artichauts Quelle histoire ! On a envie de commencer par « Il était une fois »… dans les années 50, une Bretagne enclavée et sous équipée, à la merci des diktats parisiens. Tout s’enflamme lorsque le prix de l’artichaut (un des légumes phares de la région), s’effondre. C’est là que des paysans (dont un en particulier nommé Alexis Gourvennec ), se mobilisent et se révoltent (jusqu’à violemment), pour prendre les rênes de leur département finistérien et, de leur région. Ils y arrivent : développement des infrastructures, des télécommunications, de l’éducation…et construction d’un port en eaux profondes à Roscoff. Pourquoi ce port ? Pour développer les exportations vers la Grande-Bretagne. Au regard de la période actuelle, il est important de connaître l’historique –prospère-, qui nous liait à l’époque, avec ce pays. Historique de commerce remontant au 19ème siècle, lorsque les bretons s’y rendaient pour vendre leurs oignons,  les « Johnnies » comme les nommaient nos amis d’Outre Manche.

Logo Brittany Ferries

Quand des paysans devinrent armateurs…

Un port à Roscoff, mais sans aucune compagnie de ferries qui veuille s’y installer ! Alexis Gourvennec (leader, toujours), va porter un projet fou : faire monter par les agriculteurs bretons leur propre compagnie maritime. Le projet se lance au début des années 70, et le 1er janvier 1973, le Kerisnel (premier bateau affrété) rallie Roscoff à Plymouth. D’autres seront ensuite construits, de nouvelles lignes ouvertes au fil des années. La société d’armement (toujours dirigée par un paysan, c’est dans l’ADN) va prendre le nom de « Brittany Ferries ». Du transport de camions et de marchandises, elle va s’ouvrir aux véhicules et leurs passagers, développer de plus en plus l’axe tourisme et le rôle de « Tour Operator » au niveau des services proposés.

Histoire de choux : du chou fleur aux Profiteroles…

Les profiteroles,  2e grand dessert phare à bord ! Soit 36 000 choux produits chaque année pour 12 000 desserts à l’assiette, pâte à choux et craquelins étant, avec les 28 références en sucré, préparés dans la pâtisserie centrale (basée à Roscoff), surgelés puis livrés sur chaque navire (les entrées et plats étant eux, cuisinés à bord). La production globale (par une brigade de 6 personnes), est assez effarante, affichant 50 tonnes annuelles pour 28 références en pâtisserie (424 000 portions), 7,8% de desserts à l’assiette, 22% pour les buffets, 56,9% de desserts dédiés au salon de thé & self-service, et 13,3% de biscuiterie dont les scones ou cookies chers aux anglais, une clientèle très importante.

Législation oblige, toutes les préparations (crues et cuites), passent en surgélation dans des cellules de refroidissement haute capacité : bases tartelettes, soufflé, cakes, cookies en cru, entremets, tarte au citron en cuit…. La DLUO est de 3 mois maximum pour les soufflés, de 12 mois pour le reste de la gamme. Serge Hinault le chef pâtissier, explique : « Le montage et la finition des desserts est effectué dans le local froid sous température contrôlée (entre7° et 9°C). Dès que le montage des gâteaux est terminé , nous rentrons les pâtisseries dans la cellule de refroidissement haute capacité. Elles y resteront entre 45 minutes pour les tartelettes et jusqu’à 1h 30 pour les entremets. »

L’attachement à l’approvisionnement régional

Les pains et viennoiseries (au beurre AOP Charentes-Poitou), sont produits en Ille-et-Vilaine, le chocolat vient de chez Michel Cluizel. Par le  positionnement géographique de ses ports français (Roscoff, Saint-Malo, Cherbourg, Caen/Ouistreham et Le Havre, la compagnie revendique dans ses achats, un maillage régional breton et normand.

Patrice Pantalini l « le chef des chefs » et Serge Hinault, le chef des pâtissiers : un duo très complice

Patrice Pantalini a travaillé en restauration traditionnelle pour rejoindre ensuite la  Brittany Ferries. Ce fils de marin y a trouvé le parfait équilibre entre la vie de famille, la cuisine et la mer. Après vingt années passées à bord (et des périodes d’hiver à terre), il est devenu catering manager (responsable restauration) pour tout le groupe en 2013. « Je gère tout ce qui concerne le contenu et le contenant », dit-il en souriant, sans parler de la brigade de 413 cuisiniers et pâtissiers ! Serge Hinault qui chapeaute ces derniers, a exercé en pâtisserie de boutique avant d’être recruté par la compagnie en 1986, période de lancement de la pâtisserie centrale à Roscoff. Grand challenge.

L’histoire du Soufflé chaud au Grand Marnier, dessert « signature » depuis 25 ans !

Soufflé Grand Marnier © Yvan Zedda
Soufflé Grand Marnier © Yvan Zedda

Carte salée ou sucrée, les propositions changent régulièrement. Mais on ne touche pas au soufflé !

12000 pièces servies par an, accompagnées d’un verre de liqueur (en photo). « Les anglais aiment les digestifs, le dessert leur a parlé, et c’est un classique de la cuisine française ». A l’origine, la venue du MOF Raoul Rey (de chez Lenôtre), pour développer des recettes, dont ce soufflé aux 17 minutes de cuisson. Beau, mais compliqué à bord. Une solution est à trouver en surgelé. Serge Hinault mettra deux années pour arriver à la finalisation du cahier des charges. Montée, pousse, forme, repousse, la production est parfaite. Préparé au Pastocuiseur « le 7e pâtissier de la centrale », l’appareil est mis dans des contenants individuels légers qui passent en surgélation, pour ensuite être transposés à bord  dans des bols en faïence blanche, cuits et servis dans ce contenant.

La vie à bord : un paradoxe 

Pour les voyageurs, le « slow travel » : prendre possession de sa cabine, profiter des boutiques, du bar, du restaurant, du self ou du salon de thé… Coté cuisine (où deux pâtissiers, un chef et un second,  intègrent chaque brigade) les journées sont très actives car il faut alimenter tous les buffets, monter et décorer les desserts, préparer les sandwiches et pizzas… Sans parler de l’événementiel, assez conséquent. En exemple, La Route du Rhum (dont la Brittany Ferries est partenaire), où le top départ à Saint-Malo se fait à bord du Pont-Aven, le navire amiral de la compagnie (en photo) et ses 1600 invités…

L’équipage (masculin et féminin) est embarqué pour une durée de 7 jours (7 en mer, 7 à terre, un timing rare et appréciable). En revanche, la « relève », soit le remplacement du débarquant par celui embarquant, ne peut se faire que si le binôme est physiquement présent. En cas d’absence de la relève, on doit rester en poste.

Equipage à la réputation de gentillesse. « Energie et sourire, souplesse et adaptabilité » sont les mots clés nécessaires pour la vie à bord et le travail chez « BF », comme la nomme son personnel. « C’est encore une grande famille, avec des opportunités d’autonomie et de confiance, où l’on peut grandir. Un esprit très particulier qui vient de l’univers des bateaux », tiennent à souligner les deux chefs.

La madeleine de Proust de Patrice Pantalini et Serge Hinault…

Tous deux natifs de Saint-Brieuc, ils répondent en cœur « les crêpes et les galettes ! » Celles du vendredi en famille et, la galette que l’on achète au marché, avec une saucisse cuite au barbecue et son trait de moutarde. « C’est bon à toute heure de la journée, même à 8 heures du matin ! »

En savoir plus sur la Brittany Ferries
brittany-ferries.fr

Crédits photos : Brittany Ferries / Yvan Zedda & B. Deroche.